Avertissement de contenu: mort, capacitisme

Le vieux Merk sent son âge. Il va bientôt mourir. Il tente de préparer Pauline, sa fille adulte atteinte d’une déficience mentale, à l’inévitable. Quel souvenir gardera-t-elle de lui, le cas échéant ? De la maison qu’ils partagent ? De leur vie commune ? Se souviendra-t-elle de l’amour de son père ? Se souviendra-t-elle de l’étreinte de son foyer ? Comprendra-t-elle pourquoi il l’a quittée ? Le fardeau du vieux Merk ne s’allège que dans un rêve, un rêve dans lequel l’esprit de sa fille est clair, expressif et transcendant.

La participation de Pauline est liminale, quelque peu en dehors de la texture opératique, parlant et respirant ses premières réponses non aiguisées, puis fredonnant en accompagnement des questions de son père, les rythmes rompant avec les modèles métriques ou les contre-phrases. Bien qu’elle ait quarante et un ans, Pauline conserve un émerveillement enfantin pour le monde et pour sa vie avec son père. Pour terminer la pièce, l’aria de Pauline donne l’occasion de découvrir l’entièreté de son registre, peut-être comme une séquence de rêve, comme le suggère le titre. Ou bien, peut-être Merk n’est-il pas tout à fait conscient de tout ce qu’elle comprend. Elle commence son aria sans texte par une vocalise ; à ce moment-là, on peut se demander si elle trouvera des mots pour s’exprimer. Puis elle raconte des souvenirs avec son père, avec fantaisie et perspicacité : « Tu es comme des œufs frits avec des poireaux. / Tu es comme un jeu de cache-cache. / Tu es comme les merles. / On a compté jusqu’à douze et on a fait du thé. » Pauline articule à sa manière qu’elle comprend ; elle se souviendra de son amour pour son père. Le vieux Merk est endormi. Le motif du feu se faufile dans toute la scène, confortable et vacillant, perdant ses notes lorsque le feu s’éteint. C’est un moment calme à la maison, mais le temps passe très vite pour Merk. Sa tessiture et sa dynamique s’élèvent avec le besoin impératif de garder sa mémoire vivante pour Pauline quand il ne peut plus la lui rappeler.